L’Union européenne s’est dotée d’une législation commune contre le racisme et le négationnisme après plusieurs années de discussion marquées par de fortes dissensions entre les Etats membres. Une profonde ligne de clivage sépare en effet les pays qui donnent une priorité absolue à la liberté d’expression, même lorsqu’elle rend possibles des discours de haine et de violence, et ceux qui estiment nécessaire d’imposer des limites à de tels discours. Une décision-cadre proposée en 2001 par la Commission n’avait pu aboutir faute d’accord.
La présidence allemande de l’Union avait annoncé, en janvier, son intention de soumettre un nouveau projet au conseil des ministres. Les ministres européens de la justice devaient entériner, jeudi 19 avril à Luxembourg, le compromis auquel sont parvenus les Vingt-Sept. Le texte, “très édulcoré par rapport à la version initiale”, selon un diplomate, impose aux Etats de punir d’une peine d’au moins un an de prison “l’incitation publique à la violence ou à la haine visant un groupe de personnes ou un membre d’un tel groupe, défini par référence à la race, la couleur, la religion, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique”. Il applique la même sanction à “l’approbation publique, la négation ou la banalisation grossière des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre”, tels qu’ils sont définis par le statut de la Cour pénale internationale et, pour la Shoah, par la charte du tribunal de Nuremberg.
Toutefois, le projet précise que le négationnisme n’est obligatoirement punissable que s’il apparaît comme une incitation à la violence et à la haine. Cela n’empêchera pas les pays qui le souhaitent, comme la France, de continuer à le sanctionner dans tous les cas, mais cela autorisera les autres à ne pas le faire. En outre, les Etats pourront choisir de ne punir les comportements racistes ou négationnistes que s’ils sont “menaçants, injurieux ou insultants” ou s’ils risquent de “troubler l’ordre public”.
Plusieurs anciens pays communistes ont demandé, en vain, que les crimes du stalinisme soient pris en compte. Le Conseil, dans une déclaration annexée, souligne que le projet ne concerne pas les crimes des régimes totalitaires, mais que rien n’empêche les Etats d’adopter une législation qui s’y rapporte. Il invite la Commission à se pencher sur la question de savoir si l’Union doit se donner un instrument additionnel afin de punir l’apologie, la négation ou la banalisation de crimes commis contre un groupe de personnes défini par d’autres critères que ceux de la race, la couleur, la religion, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique.
Thomas Ferenczi – LE MONDE – Article paru dans l’édition du 20.04.07
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